Jeanne Chézard de Matel
Il y a 140 ans, une lettre du couvent du Verbe Incarné de Lyon aux autres maisons de cet ordre, datée du 18 octobre 1881, relatait la biographie de Jeanne Chézard de Matel, fondatrice du « Verbe Incarné » …
Elle est née le 6 novembre 1596, à Roanne ou au château de Matel – le lieu de sa naissance est incertain. Jeanne Chézard de Matel est la fille d’un sieur de Matel, gentilhomme de la chambre du roi et capitaine d’une compagnie de chevau -légers (la cavalerie légère avec des hommes armés de lances).. Elle est le cinquième enfant dans cette famille où les quatre qui l’ont précédée sont décédés en bas âge. Choyée et élevée dans une stricte ambiance de piété catholique, Jeanne éprouve un vif désir : celui de se consacrer à Dieu, en dépit de l’opposition familiale. Elle a comme directeur spirituel le père Coton, ce jésuite, confesseur de Henri IV, qui fait partie d’un groupe de religieux qui ont dû leur célébrité à leurs prédications à la fin du XVIe siècle.
Elle assure avoir des visions mystiques et elle souhaite prendre le voile pour créer une congrégation nouvelle, consacrée à la célébration du « Verbe incarné ». En référence au dogme chrétien selon lequel le Verbe divin s’est fait chair en Jésus-Christ, une notion exprimée dans le Prologue de l’évangile selon Jean : « le Verbe s’est fait chair », signifiant que le Fils de Dieu a assumé une nature humaine pour le salut de l’Humanité. Avec d’autres roannaises, Jeanne s’installe dans l’ancienne maison des Ursulines de Roanne, que celles-ci n’occupent plus et fonde sa congrégation en juillet 1625.
En 1627 la petite communauté gagne Lyon, mais les relations avec l’archevêque du moment, qui n’est autre que le propre frère du tout-puissant ministre Richelieu, sont mauvaises. Alphonse-Louis de Richelieu voit d’un mauvais œil cet ordre qui peut faire « concurrence » aux Ursulines de Lyon, avec lequel il a d’étroites relations. Cette situation entraîne un nouveau transfert à Avignon cette fois, où le premier couvent du Verbe-Incarné voit le jour en 1639. Celui de Grenoble suit, quatre ans plus tard. Puis Paris. Mais à Lyon, après le décès de Richelieu, la nomination de Camille de Neuville de Villeroy à la primature des Gaules autorise l’installation du Verbe-Incarné en 1655, dans la montée du Gourguillon, sur la colline de Fourvière.
Cependant les dernières années de Jeanne, la fondatrice du « Verbe-Incarné », sont éprouvantes. Des rivalités éclatent au sein de la congrégation parisienne, et elle est elle-même mise à l’écart. C’est d’ailleurs dans la capitale qu’elle décède, le 11 septembre 1670. Jeanne va léguer une abondante « autobiographie », un « journal spirituel qui s’échelonne de 1633 à 1642 ainsi qu’une volumineuse correspondance attestant de ses échanges avec le père Coton et François de Sales. Jeanne Chézard de Matel a été déclarée vénérable par le pape Jean-Paul II en 1992 en reconnaissance de l’héroïcité de ses vertus. Aujourd’hui l’ordre est installé aux États-Unis. D’autres congrégations sont issues de cette famille, comme les religieuses du Verbe Incarné ou les Sœurs de la Charité du Verbe Incarné.