Juillet 1974 : il y a 50 ans, le juge Renaud et l’affaire Marin-Laflèche

Il a été nommé juge d’instruction en 1972 à Lyon, où il est arrivé six ans plus tôt. François Renaud a déjà derrière lui une carrière bien remplie. Né en 1923, en Indochine, d’un père médecin dans l’armée coloniale, son berceau véritable sera la Bourgogne où la guerre le plonge alors qu’il a tout juste 20 ans. Engagé à fond dans la Résistance, il se lie d’amitié dans le maquis avec une figure locale, un certain André Jarrot, un personnage haut en couleurs comme lui – futur ministre de Giscard.

Mais la guerre finie, c’est dans la magistrature qu’il décide de faire carrière. François Renaud est juge suppléant dans les colonies, où il occupe plusieurs postes, à Abidjan en 1956, mais aussi au Niger, au Mali, en Haute-Volta… Son style d’accusateur public correspond à son tempérament de fonceur et lorsqu’il arrive à Lyon, ville bientôt surnommée « Chicago-sur-Rhône », où les dossiers abondent, alimentés par les caïds de la pègre locale, son style ne laisse pas indifférent.

Les malfrats, même les plus « endurcis », ne brillent guère lorsqu’ils passent dans son cabinet. Il n’hésite pas à aller sur le terrain même, dans les bars mal fréquentés par exemple, pour se montrer provocant, en un jeu fort inhabituel pour un magistrat qui n’est pas sans risque. Ce n’est pas par hasard qu’on surnomme le juge le « Shérif ».

Pourtant, c’est à lui que l’on confie les dossiers les plus brûlants. Celui de Jean Augé, autour duquel flottent des relents politiques malsains, mais l’élimination brutale du caïd lyonnais empêche le juge d’aller au bout de ses investigations.

Le juge Renaud instruit aussi le dossier du chef de gang Guy Reynaud, dit « le Dingue », spécialiste du hold-up, qui écume la région et qui sera finalement arrêté en 1973. Il s’implique aussi dans la traque du « gang des Lyonnais » qui totalise à son actif au moins une cinquantaine de coups durant les années soixante-dix, dont le hold-up de la poste de Strasbourg où le milliard d’anciens francs raflés aurait peut-être contribué à alimenter les caisses d’un parti politique. A la tête du gang, des durs comme Joanny Chavel, Pierre Pourrat, dit « le Docteur », et surtout Edmond Vidal, dit Momon, une belle gueule de gitan.

La mort d’un juge…

Mais le juge Renaud, auparavant, dans ce dossier Marin-Laflèche, dont les fréquentations auraient pu concerner certains milieux influents, avait-il dénoué certains fils qui en rejoignaient peut-être d’autres, révélateurs, voire compromettants ?

À certains de ses proches, il confiait qu’il était sur le point de dénouer une affaire explosive. On ne le saura jamais. Puisque dans la nuit du 2 au 3 juillet 1975, à Lyon, montée de l’Observance, à proximité de son domicile, des tueurs vont mettre brutalement fin à la carrière du juge. Ils ne seront, officiellement, jamais identifiés, même si les soupçons vont planer sur un trio de truands : les dénommés Alfani, Lamouret et un certain Jean-Pierre Marin, lequel n’aura guère l‘occasion de parler puisqu’il sera abattu par la police en mars 1976…

Mais les acteurs, qui appartenaient certes au Milieu, qui avait de bonnes raisons d’éliminer ce juge qui les défiait et contrariait fortement leurs activités, étaient cependant des seconds couteaux, agissant probablement pour des commanditaires jamais formellement identifiés. Le dossier sur la mort du juge s’étant irrévocablement refermé – par un non-lieu –, on ne saura jamais si l’affaire Marin-Laflèche, parmi d’autres dossiers, contenait peut-être de sombres compromissions…

Couverture Almanach du père Benoit
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