Centenaire en grande forme

Toujours en 1934, alors qu’il s’est e?toffe?, offrant 128 pages de lecture, cou?te 75 centimes et est de?sormais diffuse? aussi dans le Cantal, la Corre?ze et la Creuse, puis l’anne?e suivante dans le Doubs et la Nie?vre, le Pe?re Benoît, almanach, s’annonce biento?t centenaire.

De?s la page 3, l’e?diteur promet que ce centie?me anniversaire sera une belle fe?te de famille…

« Songez donc que mes aîeux, avant d’agir ont commence? a? re?unir une forte documentation… Ce n’est pas en usant des culottes sur les bancs des classes de la ville, que l’on peut connaître la vie et les besoins de la terre… » ne craint-il pas d’affirmer.

Peut-e?tre que ce jour-la? le Pe?re Benoît, l’historique fondateur, s’est un peu retourne? dans sa tombe. Non pas qu’il ait eu une quelconque pre?vention a? l’e?gard du monde rural, bien au contraire, cet almanach, il l’avait cre?e? pour aider le monde rural. Mais en aucune fac?on le Pe?re Benoît, le pre?tre fondateur de l’almanach ne se serait ainsi laisse? aller a? critiquer les vertus de l’instruction et de l’e?ducation scolaires…

Il faudra donc attendre le 150e anniversaire du Pe?re Benoît pour que justice soit ve?ritablement rendue a? son fondateur, contemporain du cure? d’Ars.

Mais l’almanach biento?t centenaire est incontestablement en grande forme e?conomique et pour marquer son anniversaire il lance un concours richement dote? dont le 1er prix est une salle a? manger d’une valeur de 2 500 francs, suivi de montres, carillons, phonographes, fourrures et… fusils.

Plus de cent lots au total.

L’anne?e suivante, l’almanach publie sur trois pages la liste des 112 laure?ats et c’est un certain Rene? Bernachot de Mably dans la Loire qui avait alors gagne? la salle a? manger…

Un siècle et demi, record de longévité

Cinquante ans plus tard, alors qu’il a d’ores et déjà atteint des records de longévité, puisque l’almanach du Père Benoît est devenu la plus ancienne publication de France, paraissant toujours sous son titre d’origine, il replonge dans son histoire et raconte ses racines dans l’édition de 1984 sous le titre : « la chambre des ancètres ».

Pour marquer son centenaire, le concours organisé par l’almanach était sous forme de rébus dont la solution soulignait le rôle indispensable des agriculteurs pour l’avenir de la France.

Soixante-quinze ans plus tard voici un nouveau rébus… (solution en dessous).

Celles d’un prètre de Trévoux, missionnaire des campagnes, qui sillonnait la région pour précher des missions dans les campagnes, recueillant au fil de ses contacts avec ses fidèles, mille et une anecdotes, savoirs faire, trucs accumule?s au fil de l’expérience.

« C’est parce qu’il savait regarder et écouter que le père Benoît eût l’idée dans les années 1830 de consigner dans un gros registre paroissial relié en cuir marron toutes les remarques qu’il avait observe?es durant ses nombreux déplacements à travers nos régions et en Italie du Nord, notamment à Milan où un confrère ami publiait depuis quelques années déjà un petit almanach » explique-t-il. « Cet infatigable voyageur missionnaire qu’était le père Benoît se révèlait aussi un observateur avisé, passionné de la nature. » Michel Bousson, le rédacteur en chef de l’époque en dresse un portrait très réaliste, imaginant avec beaucoup de finesse et de talent, sa vie de l’époque. Une description qui n’a pas pris une ride. (Voir notre document pages 104 et 105).

L’ombre de la guerre

Entre temps, la France a e?te? de nouveau plonge?e dans des heures sombres.

De?s 1940, le pe?re Benoît s’en inquie?te : « Le hideux fracas des armes retentit depuis quelques mois de?ja? », avec vis-a?-vis de l’Allemagne des mots qui re?ve?lent l’e?tat d’esprit de l’e?poque « En mosaîque de principaute?s, de duche?s, de royaumes, l’Allemagne a produit des peintres, des poe?tes, des musiciens. Coagule?e, elle ne se?cre?te plus que des soldats et des reîtres » et une terrible myopie vis-a?-vis du nazisme. La me?me qui a permis a? Hitler d’arriver au pouvoir par les voies le?gales : « Ce n’est pas le chef qui a conquis l’Allemagne, c’est l’Allemagne qui, se reconnaissant en lui, l’a choisi comme son incarnation. » En revanche, le Pe?re Benoît, voit plus clair sur la Russie « fort heureusement, la Russie sovie?tique nous a trahi de la fac?on la plus ignoble (il s’agit du pacte germano-sovie?tique). Hitler qui s’est cru malin s’est rue? avec avidite? sur ce plat ve?ne?neux ; sa digestion en sera pe?nible, mortelle. »

Cette anne?e-la?, les conseils de jardinages sur une dizaine de pages, sont signe?s par un certain J. Dumoulin qui pre?cise qu’il est : professeur d’agriculture.

En 1941, alors que tous les e?coliers franc?ais chantent « mare?chal nous voila? », le Pe?re Benoît colle? a? l’esprit du temps rend un vibran

hommage au vainqueur de Verdun « l’homme auquel l’unanimite? a? confie? le pouvoir… Le conducteur qui sait a? la fois commander et aimer… ». L’anne?e suivante, alors qu’il de?plore la pe?nurie de papier qui impose une restriction de pagination a? l’almanach, le pe?re Benoît se cantonnera au champ des conseils aux agriculteurs.

En 1943, 1944 pas d’almanach faute de papier et il faudra attendre 1945 pour qu’il soit a? nouveau publie?.

Comme en 1943, il a 96 pages mais est passe? de 2 a? 5 francs…