1754 : Les six campagnes de Louis Mandrin, contrebandier de légende

Louis Mandrin, ce contrebandier autour duquel la légende s’est forgée du bandit justicier en lutte contre l’oppression fiscale de l’Ancien Régime, va entamer en cette année 1754, lui et sa bande, une série de campagnes qui vont le conduire en Dauphiné, en Provence, en Vivarais, en Forez, en Auvergne, en Lyonnais, en Bourgogne, en Franche-Comté et même en Suisse.

En guerre contre la Ferme générale

Louis Mandrin, né à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, en Dauphiné, a 29 ans en 1754. Il est animé par un désir de vengeance contre la Ferme générale, cette institution chargée de collecter l’impôt pour le royaume. Il la rend responsable de la faillite et de la ruine de son affaire.

En 1748, il avait passé avec elle un contrat consistant à ravitailler l’armée française en Italie. Mais il a perdu presque toutes ses bêtes de somme en traversant les Alpes et la Ferme générale a refusé de l’indemniser. Les Fermiers généraux ont également fait pendre son frère Pierre. Bref, tout est réuni dans l’esprit de Mandrin pour que, sorte de Robin des Bois pour les uns et bandit de grand chemin pour les autres, il se décide à entrer en guerre contre ceux qui sont par ailleurs détestés par une population surtaxée.

Au cours de la première campagne, qu’il entame le 5 janvier 1754, avec plusieurs dizaines d’hommes, il s’attaque aux membres des Fermes, à Curzon, près de Romans. La bande n’hésite pas à faire feu si on lui résiste : deux hommes sont tués.

Un brigadier est dépossédé de son arme, de son cheval et de son vêtement ainsi que de son chapeau bordé d’or. Mandrin va en faire un trophée. Les déplacements se succèdent avec une rapidité qui fera écrire à Voltaire : « Ce Mandrin a des ailes, il a la vitesse de la lumière. […] C’est un torrent, c’est une grêle qui ravage les moissons dorées de la ferme. Le peuple aime ce Mandrin à la fureur ; il s’intéresse pour celui qui mange les mangeurs de gens ».

Ceux que l’on appelle bientôt les « Mandrins » passent par Saint-Etienne-de-Saint Geoirs, la patrie de celui que l’on surnomme « Belle humeur », puis poursuivent jusqu’en Languedoc et en Rouergue. Le retour se fait par le Bugey, avec un passage en Suisse puis en Savoie.

Un véritable commerce parallèle

Dans chaque village où elle passe, la bande vend à des prix défiants toute concurrence des marchandises de toute nature. Le sel, le tabac à priser ou à mâcher, de la poudre de chasse, des étoffes, des montres, des bijoux, etc. Un véritable commerce parallèle et ambulant s’installe. Pour alimenter la trésorerie, les receveurs de la Ferme, dont les dépôts sont pillés… sont imposés ! Les « Mandrins » assoient aussi leur popularité en garnissant les auberges où ils consomment sans modération.

Il devient nécessaire de recruter et pour cela Mandrin, qui a commencé par prospecter dans son pays d’origine, va aussi enrôler de préférence des déserteurs ou d’anciens officiers en rupture de ban, qui possèdent une expérience militaire, en évitant de puiser dans les bas-fonds. Les hommes touchent une solde, dont le montant varie selon les « bénéfices » réalisés.

La deuxième campagne a lieu sur juin et juillet 1754, durant laquelle l’attaque d’un poste au pont de Claix sur le Drac neutralise les gapians qui l’occupent, dont l’un est tué. On pille, on prend l’argent, les armes, les uniformes des employés qui pourront être utiles pour tromper l’ennemi. Passant par la route de Grenoble, la bande gagne la Savoie par les monts de la Chartreuse et passe en Suisse…

La troisième campagne s’enchaîne rapidement, dans les deux mois suivants, sur juillet et août 1754. Mandrin écume la Franche-Comté, doit affronter les brigades de Mouthe et de Chauneuve mais il les met en déroute en leur infligeant de lourdes pertes. Il passe en Lyonnais, s’occupe de contre-bande à Saint-Chamond et retourne en Savoie.

Couverture Almanach du père Benoit
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