Plus fort que Jeanne Calment, avec les 190 bougies qu‘il souffle cette année, l’Almanach Double Milan du Père Benoit figure désormais en place honorable dans le palmarès des publications annuelles régulières de France.
Atteindra-t-il les 264 ans de la gazette, le journal de Théophraste Renaudot, première publication régulière de nouvelles de 1631 à 1915 ? On peut le lui souhaiter. Le Père Benoit figure dans une autre catégorie celle des almanachs avec une diffusion plus régionale, mais à travers la France beaucoup d’almanachs locaux ont disparu. Ceux qui subsistent encore sont plus récents et le Père Benoit regarde vaillamment vers un bicentenaire qui sera fêté dignement.
Liés à l’invention de l’imprimerie, les almanachs contenaient avant tout un calendrier sur lequel figuraient, comme sur les nôtres aujourd’hui, les dates des phases du soleil et de la lune, et surtout, en plus du Saint du jour, les fêtes religieuses qui rythmaient la vie de la société de l’époque, conditionnaient aussi les foires et marchés structurant l’activité commerciale. Pour ce qui concerne le Double Milan, « notre » Père Benoit, à propos duquel on trouve beaucoup de bêtises sur internet, plusieurs éléments se superposent et s’entre- choquent. Il faut remonter à la source et voir comment l’almanach racontait sa propre histoire.
En 1984 pour marquer les 150 ans du Père Benoit, l’almanach détaille comment le Père Benoit, authentique prêtre du diocèse de Belley, qui prêchait des missions et qui savait « donner du temps au temps » avait eu l’idée en 1830 de « consigner dans un gros registre paroissial relié en cuir marron », toutes les remarques qu’il avait observées durant ses nombreux déplacements dans nos régions et en Italie du Nord notamment à Milan où « un confrère et ami » publiait déjà depuis quelques années un petit almanach.
Bien naturellement le Père Benoit avait dû s’adresser à un imprimeur lyonnais, Pierre Rivet qui, conscient du succès de ce genre de publication avait sauté sur l’occasion pour le réaliser sous son nom.
il est probable que, le succès aidant, le Père Benoit a souhaité reprendre la paternité de l’almanach et la maîtrise du contenu (ce que l’on appellerait aujourd’hui la ligne éditoriale) d’autant plus que Pierre Rivet étant décédé, c’est sa veuve qui poursuivait l’édition du Double Milan, à sa manière, avec un contenu
plutôt fantaisiste. On peut aisément imaginer que les relations se sont très vite tendues entre le vrai Père Benoit et la famille Rivet puisque deux Double Milan sont édités en 1835 : celui de la veuve Rivet qui indique en couverture que c’est la 5e année qu’elle en est l’auteur et l’éditeur et mentionne également qu’elle en a la propriété.
Le second, lui aussi publié en 1835 est : « rédigé et mis en ordre par le Père Benoit » une mention qui figure sur la couverture. Le signe que le Père Benoit avait repris la main sur le Double Milan, pour non seulement en récupérer la paternité mais aussi en maîtriser le contenu. L’histoire lui a donné rai- son, puisqu‘il est véritablement l’ancêtre de l’actuel Double Milan.
Le différend avec la veuve Rivet portait bel et bien aussi sur la ligne éditoriale puisque la démarche du Père Benoit était de « faire passer le message chrétien ». N’avait-il pas dès le départ choisi comme emblème la colombe évocation du saint Esprit insérée dans le triangle de la sainte Trinité et la mention « Dieu soit béni » qui figure toujours sur la couverture. Au fil des années, cette ligne éditoriale d’inspiration « démocrate chrétienne » s’est maintenue avec, chaque année, des conseils de solidarité, le soutien au syndicalisme agricole, au travail coopératif, des rubriques religieuses, la considération et le respect pour les élus, toutes étiquettes confondues, notamment ceux des conseils départementaux (anciens conseillers généraux) qui monte clairement l’attachement aux élus en proximité avec leurs électeurs.