Histoire
Evoquer la mémoire d’Henri Frenay, né à Lyon en 1905 et mort en Corse en 1988, c’est immanquablement parler de Combat, dont on ne sait qu’assez peu qu’il fut fondé à… Grenoble !
Rien ne prédestinait le jeune Henri à endosser les habits du héros de la Résistance intérieure. Fils d’officier « tombé au champ d’honneur » lors de la Première Guerre mondiale, ce catholique a le cœur qui penche plutôt à gauche, même s’il demeure foncièrement anti-communiste.
« Il faut bien comprendre que Frenay reste en France après la demande d’armistice par Pétain en juin 40 », campe Olivier Cogne, aujourd’hui directeur du Musée Dauphinois après avoir été celui du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère.
Outre cela, ce saint-cyrien « entretiendra toujours des rapports on ne peut plus complexes avec de Gaulle », poursuit l’historien.
En d’autres termes, « il ne voit pas d’un bon œil dépendre de Londres et de De Gaulle ; il faudra la radicalisation de la politique de Vichy et la montée en puissance du rôle de Laval » pour que Frenay franchisse le Rubicon – ou plutôt la Manche…
S’il résiste tout de suite, il en veut en effet beaucoup aux communistes « qu’il tient aussi pour responsables de la défaite française de 1940 du fait du pacte germano-soviétique », développe le responsable culturel, qui ne manque pas de s’attarder sur « ses difficultés avec Jean Moulin ! Pour lui, Moulin est en effet délégué par Londres pour traiter avec les communistes. Et ça… »
Prisonnier, évadé, affecté en garnison à Marseille, Henri Frenay a donc déjà fondé en août 1940 le Mouvement de Libération nationale (MLN) qui éditera le journal baptisé Vérités en zone dite libre. Muté au Deuxième Bureau – le service de renseignement militaire –, à Vichy, il s’emploie à unifier tous ceux qui tentent de résister.
Il faut dire que ce catholique de centre gauche s’est depuis longtemps fait une religion – si l’on bien évidemment s’exprimer ainsi… – sur le régime nazi.
Dans les années 30, alors qu’il fréquente l’Ecole de guerre à son retour de Syrie, il rencontre Berty Albrecht, une protestante féministe et antifasciste. Grâce à elle, il a rencontré des réfugiés allemands anti-nazis. « C’est l’un des rares Français à avoir lu Mein Kampf avant la guerre », pointe Olivier Cogne.
Parmi ceux qui résistent, François de Menthon s’efforce de fédérer Savoyards et Hauts-Savoyards grâce au réseau Liberté, qui tire le journal éponyme. A Grenoble, Marie Reynoard, une jeune agrégée de lettres classiques, qui professe au lycée de jeunes filles, ne se montre pas insensible – pour faire dans la litote mâtinée d’euphémisme… – aux charmes des Antigone modernes…
« Marie avait de la famille à Marseille », pose Alice Buffet ), directrice du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère. Et c’est dans le train qui revient de la cité phocéenne que Marie Reynoard et Henri Frenay se rencontrent, bavardent, puis conversent le temps d’un voyage…